Présentation de la psychoboxe par Richard Hellbrunn, extrait du film : Psychoboxe, thérapie frappante 1.
La psychoboxe est une pratique du corps en mouvement, destinée à un sujet qui souhaite mettre en travail son rapport à la violence.
Elle se différencie de la cure type analytique par les mouvements du corps qu’elle permet, en s’appuyant notamment, sur des mouvements de boxe anglaise, effectués à frappe atténuée et par le toucher du corps qui se met en œuvre. Nous avons un corps de face, nous ne sommes pas assis derrière un patient allongé.
Les mouvements du corps sont repris par un temps de parole, ce qui différencie encore la psychoboxe d’une pratique sportive, puisque le geste n’est pas effectué dans un but compétitif ou dans un but de performance, mais pour permettre à un sujet de mieux habiter sa parole à partir de ses mouvements corporels.
La psychoboxe existe depuis 25 ans. Je l’ai fondée progressivement à partir d’une expérience sur le terrain en tant que psychologue clinicien dans des services de prévention dans des quartiers difficiles de la banlieue ouest de Strasbourg. J’étais, alors, confronté à des jeunes qui étaient fréquemment pris dans des actes violents et qui pouvaient très peu verbaliser à partir de ces actes. Ils n’étaient pas toujours désireux d’en dire quelque chose et quand ils tentaient de le faire, ils n’avaient pas les mots. Il y avait beaucoup de choses qui semblaient leur échapper, du côté de la parole, en ce qui concerne les actes qu’ils avaient causés.
Parallèlement à ce travail de psychologue clinicien, j’enseignais la boxe française dans un autre quartier difficile de la banlieue de Strasbourg et j’avais été surpris de constater que les jeunes parlaient beaucoup, à partir des mouvements de leurs corps. C’est-à-dire que, tel geste pouvait renvoyer à telle représentation, à tel souvenir ou à telle crainte, ou a tel événement. Ils en parlaient très facilement, très librement. Ils associaient donc sur leurs bagarres, sur ce qu’ils ne supportaient pas, sur ce qui leur faisait peur, sur leurs mouvements de colère alors que, je n’étais pas là pour les écouter mais pour leur enseigner un sport de combat.
L’idée alors m’était venue, d’utiliser la boxe comme on pratique un psychodrame analytique et de passer par le combat pour en arriver à une parole. J’ai été très surpris de la richesse de cette pratique, revenu dans mon champ initial de psychologue clinicien, en cours d’analyse à l’époque, dans un quartier difficile de la banlieue de Strasbourg.
Le cas inaugural de la psychoboxe était constitué par un jeune venu en groupe avec d’autres et qui a énoncé une demande extrêmement difficile à travailler puisqu’il demandait que je lui apprenne à boxer pour : « casser la figure à son père ! ».
Il m’a semblé devoir, isoler ce travail, pour que cela ne se passe pas devant ses copains qui pouvaient en parler dans le quartier. Il a fallu ensuite, très vite, dessiner un cadre autour de cette demande, en lui disant bien que je n’étais pas partie prenante de son projet de casser la figure à son père, qu’il n’était pas question de répondre à cela, mais qu’il pouvait interroger la relation qu’il avait avec lui, dans ce cadre là, tout en apprenant à bouger avec son corps, tout en traduisant cela par des mouvements corporels. C’est comme cela que j’ai commencé à isoler un travail individuel et à articuler des mouvements du corps, des paroles à des gestes.
Le déroulement d’une séance succède à quelques entretiens préliminaires, au moins un et quelques fois plusieurs, qui sont bien présents pour établir le cadre.
La chose principale, est de repérer que la personne souhaite bien faire un travail sur elle-même, qu’elle vient effectivement pour parler et non pas pour décharger un trop plein d’énergie dans une perspective cathartique ou pour acquérir des gestes de combat dans une perspective technique pour lutter contre l’angoisse, par exemples.
Il faut vraiment établir qu’elle vient là pour parler. Une fois que cette chose est claire, la séance se déroule toujours de la même manière soit à partir du moment ou la personne est prête à faire un combat, elle l’énonce, elle se lève et nous déterminons la puissance de frappe qui doit rester très légère, ce qui est souvent assez difficile à maintenir au niveau du cadre, ensuite le combat s’engage pendant une minute trente. Chacun des trois protagonistes pouvant arrêter le combat à n’importe quel moment.
Je parle de trois protagonistes, puisqu’il y a toujours un observateur qui est présent dans cette séance, qui peut aussi être psychanalyste, qui de toute façon nous arrête au bout d’une minute trente de combat. Il peut aussi interrompre à tout moment ce combat tout comme la personne qui vient faire ce travail et moi-même.
Le but, ensuite, est d’associer, à partir de ce que nous avons les uns et les autres observé, ressenti afin de travailler à partir des associations qui sont libérées par ce travail.
Il peut s’agir de quelques séances à un moment de crise, simplement pour réarticuler la parole, l’acte et les affects. Le travail étant ensuite repris psychanalytiquement chez un autre praticien. Ce travail peut aussi être plus long lorsque je suis le seul référent de ce patient. Il m’est arrivé d’avoir des travaux qui se sont ensuite transformés en une écoute plus classique dans le cadre psychanalytique habituel.
On peut voir évoluer cette pratique, qui permet de garder généralement des traces durables, même sur des temps assez courts, notamment en ce qui concerne le réaménagement d’un certain nombre d’éléments pulsionnels et du rapport à la parole.
Beaucoup de sujets arrivent, grâce à la psychoboxe, à ne plus simplement passer à l’acte mais à accéder à des représentations avant de passer à l’acte et cela c’est quelque chose de durable, qu’ils peuvent tout à fait garder tout au long de leur vie.
La psychoboxe s’adresse à toute personne désireuse d’explorer son rapport à la violence. Elle concerne plus particulièrement des jeunes mineurs ou majeurs, qui sont préoccupés par leur répétition d’actes qu’ils n’arrivent, souvent pas, à verbaliser.
Ces jeunes sont dans des cadres institutionnels divers, tels des foyers, des foyers de la PJJ (Protection judiciaire à la jeunesse), foyers privés, centres fermés, maisons d’arrêt quelques fois, et parfois dans des services psychiatriques.
Plus rarement, il nous arrive de travailler avec des SMPR (Service médical/ psychiatrique régional) notamment, au niveau carcéral, sachant que toute personne travaillant en psychoboxe avec nous, en fait la demande et peut interrompre ce travail à n’importe quel moment.
La psychoboxe s’est ensuite étendue à des personnes victimes d’agressions de tout ordre qui à un certain stade de leur élaboration traumatique étaient confrontées à de la haine ou à une agressivité intense quelles n’arrivent plus à juguler.
Il serait contre-indiqué de le faire avec des personnes qui viennent d’être traumatisées et qui sont confrontées à une impression d’effondrement de leur image du corps. Dans ces cas là, ce ne sont pas les mêmes indications.
Il existe, bien sûr, des contre-indications à la psychoboxe. Certaines peuvent toucher à la structure psychique des sujets concernés. Quelqu’un qui est très angoissé et qui risquerait de tomber dans des problèmes de morcellement du fait de la psychose par exemple, ne pourrait pas facilement bénéficier de ces séances. Il est essentiel de repérer si le sujet peut supporter ce type de travail, même s’il peut l’interrompre à tout moment, il n’en a pas toujours les moyens psychiques.
Il y a là donc une certaine prudence à avoir du côté de la structure psychique des sujets et aussi, comme je vous le disais tout à l’heure, le rapport au trauma. Si c’est trop frais, trop violent ce n’est pas très indiqué alors que si le sujet est déjà lui-même engagé dans une démarche agressive, c’est la meilleure indication pour amener ces mouvements d’agressivité qui pourraient être considérés comme une tentative d’auto-guérison vers un cadre dans lequel ces mouvements s’articulent à la parole.
C’est à dire que nous n’acceptons aucune injonction thérapeutique, ni aucun acte qui consiste à conditionner la psychoboxe par exemple à une décision de justice ou quelque chose du même ordre. C’est un travail dans lequel le sujet s’engage lui-même et peut l’arrêter sans autre conséquence à n’importe quel moment.
La psychoboxe en formation vise aussi tous les professionnels qui sont confrontés à des situations de confrontation violente et qui souhaitent ainsi explorer leurs propres rapports à la fois personnels et professionnels à ces situations. Cela se pratique alors dans des groupes de formations.
Pour pratiquer la psychoboxe, il est possible de s’adresser à l’institut de psychoboxe qui peut fournir la liste de tous les praticiens confirmés existant en France. Il y en a environ une vingtaine, dont certains font partie d’institutions qui ont adopté plus régulièrement cette pratique. On peut citer la PJJ, qui comprend une équipe à Roubaix Tourcoing, une autre en Avignon, d’autres en région parisienne, ou des Conseils Généraux, comme le Haut-Rhin par exemple, qui ont déjà formé un praticien de la psychoboxe et sinon des praticiens privés.
La psychoboxe n’est pas une rééducation, elle ne vise pas comme objet direct à la paix sociale. Elle reste une écoute du sujet en souffrance, du sujet confronté à la violence et nous lui laissons l’entière responsabilité du cheminement qu’il va prendre à partir de là.
Elle serait donc dangereuse à utiliser pour essayer d’insuffler des normes de comportement, la violence étant dans cette perspective considérée simplement comme quelque chose de pathologique ou de négatif alors que, très souvent, nous repérons la violence comme étant déjà une tentative d’aller vers la parole chez un sujet qui essaie de traverser quelque chose de traumatique.
Pour nous donc, il n’est pas question de rééduquer, ni de pacifier, même si quelque fois la psychoboxe a cet effet. Tant mieux si la société s’y retrouve, si les institutions s’y retrouvent cependant cela ne saurait être l’objectif premier en terme d’efficacité de l’utilisation de cette méthode. Elle pourrait même dans ce cadre là, être une dangereuse méthode de manipulation mentale de laquelle évidemment, nous nous démarquons avec beaucoup d’énergie. C’est ce dont nous nous assurons lors de la mise en place du cadre, tant du côté d’une éventuelle demande institutionnelle qui nous serait faite que du côté de l’engagement d’un sujet dans cette pratique.
Propos de: Richard Hellbrunn, Psychologue clinicien, psychanalyste, tirés du film Psychoboxe, thérapie frappante de Francine Thaillard. Produit par A.P. Production LTD. 2007
Mise en forme pour l’institut de psychoboxe suisse par: Yann Gunzinger psychanalyste et psychoboxeur. Membre de l’Institut de psychoboxe.
1 Psychoboxe, thérapie frappante, film de Francine Thaillard, Produit par A.P. Production LTD, 2007.